Lors de son intervention télévisée par France 2, Emmanuel Macron a tenu sur la guerre d'Ukraine le discours consternant qui était prévisible.
Ce qui est consternant, c'est la fossilisation du
récit macronien alors que les choix imposés par lui au pays, sans la moindre
interférence démocratique, produisent sous nos yeux leurs terribles effets :
inflation, pénuries, pauvreté, famines en Afrique et bientôt
désindusrialisation et collapsus financier.
Le récit d'abord. "La Russie a fait le choix le 24 février dernier de déclarer de manière
unilatérale une guerre contre un pays voisin, l'Ukraine, qui a mis en danger
tout un peuple et un continent, ..., [une guerre] qui tue sur le sol, qui
agresse, qui a violé la souveraineté de l'Ukraine". C'est cette
affirmation mystificatrice qui sous-tend la muraille de mensonges, de crachats
et d'intoxications qui interdit aux peuples d'Occident de comprendre pourquoi ils
en sont là, qui tire les ficelles, et les empêche d'exercer leur prérogatives
démocratiques.
Elle cache le fait "têtu" que cette guerre a été conçue, programmée, financée,
armée, déclenchée, et conduite par les
néoconservateurs démocrates américain au pouvoir Outre-Atlantique, leur but étant
de briser les liens entre l'Europe et la Russie qui risquent de marginaliser leur
influence sur l'Eurasie, et à terme, sur toute la planète. Elle cache aussi le
fait que des dirigeants européens inconsistants, Macron lui-même et Scholtz
avant tout, se sont laissés mener par le bout du nez par Washington, exposant par
leur insignifiance, peuple, nation, sécurité, paix, économie et prospérité à
des risques inouïs.
La guerre en Ukraine n'a pas commencé en 2022 mais
en 2014, a la suite d'un coup d'État patronné par les États-Unis, dont
l'authenticité est archi documentée. La Russie est intervenue sur le théâtre
ukrainien le 24 février 2022 pour deux raisons:.
Premier motif, les existences des Russes de souche
de l'est, qui étaient de simples autonomistes, étaient menacées par une puissante offensive de
Kiev. Elle avait commencé dès le 16 février par des bombardement de plus en
plus intensifs[1]
et des déminages des sols préalables au déferlement des blindés. L'opération
était bien entendu téléguidée par Biden qui, magiquement, pouvait fournir la
date exacte de la réaction russe sans avoir à lire dans le marc de café.
Le second motif du Kremlin, c'était la protection de
la Crimée et du port de Sébastopol, l'ouverture stratégique de la Russie sur les
mers chaudes, l'objectif terminal du couple Kiev-Washington.
Ces intentions belligènes étaient consignées dans le
décret signé par Zelensky le 22 février 2001de "désoccupation
de la Crimée" et confirmées par la Charte
de Partenariat Stratégique US-Ukraine du 10 nov 2001[2] L'intervention de Moscou n'était donc pas "un
choix unilatéral" mais une contre-agression menée in extremis. Macron et
l'UE ont alors rompu sur commande les liens politiques, commerciaux, culturels,
sportifs, etc. avec le grand voisin russe, traité en paria. Or ces liens assuraient
les approvisionnement énergétiques, en produits primaires et autres, indispensables
à la vie quotidienne et à la compétitivité des économies européennes.
Pris dans les filets de Biden, Macron a transformé comme
d'habitude son impuissance en arrogance puérile et en mensonges.
Les sanctions : "elles ne sont pas du tout
contre la Russie ou le peuple russe" affirme Macron Alors elles sont contre
qui ? La Russie est dirigée par Poutine dont le taux de popularité dépasse
les 80 %. Comment le dissocier du peuple russe? L'appauvrissement recherché
frappera qui, sinon la Russie et ceux
qui la peuplent? Et avec sa préscience
légendaire, le locataire de l'Élysée n'a pas vu le dernier papier de The
Economist qui concluait à travers des indices sophistiqués calculés par
Goldman Sachs que l'économie russe reprenait des couleurs au moment où celles
de l'Union européenne s'enfoncent collectivement dans la récession.
Les frappes massives des derniers jours qui visaient
les systèmes électriques ukrainiens ? Elles étaient, dit Macron, destinés
aux "civils tués de manière résolue." Or ces frappes russes avaient
été calculées pour épargner au maximum les civils et malgré leur ampleur considérable,
elles ont fait moins de 10 morts, un exploit inédit.
Les crimes de guerre sont Russes dit Macron,
évoquant Boutcha. Mais aucune enquête internationale n'a jamais donné la
moindre preuve de ces innombrables crimes. Il y a juste Amnesty International
qui a illustré des pratiques faisant des civils des boucliers humains. Mais c'était
le fait de l'armée ukrainienne et les civils en question étaient ukrainiens. Sachant
que la recherche des coupables de "collaboration" avec les Russes et
autres "filtrations" sont
confiées à une dizaine de groupes de forcenés néo-nazis, un président français
aurait dû être prudent. Surtout qu'il a lui-même livré aux Ukrainiens des
canons qu'ils utilisent aussi, c'est documenté, pour frapper des zones urbaines
résidentielles et faire des centaines de victimes civiles.
"La montée des prix du gaz n'a rien à voir avec
la guerre" dit le président. C'est quand même la guerre qui a été le
prétexte des sanctions et les sanctions génèrent inévitablement des pénuries,
et les pénuries des hausses de prix. Tout a à voir, au moins en partie, avec le choix
élyséen et bruxellois de la guerre: l'appauvrissement collectif programmé, la
brisure de la croissance, l'effondrement dans la desindustrialisation, et
l'endettement himalayesque légué à nos enfants.
Laissons en l'état la dernière philippique. Concernant
l'agression de l'Arménie par l'Azerbaïdjan, pour Macron, "la Russie s'est immiscée dans ce conflit ...
pour créer le désordre, pour nous affaiblir et nous diviser." La Russie
avait dû mobiliser des augures, des auspices et des haruspices mal intentionnés.
Ce qui est beaucoup plus grave c'est la faculté du
président de marteler des affirmations paradoxales qui masquent un saut dans
l'inconnu. Il dit "nous soutenons l'Ukraine dans sa résistance sans participer
à la guerre...nous essayons d'avoir une approche qui a quelque chose à voir
avec le réel" et il poursuit en détaillant ce soutien : livraisons
d'armes, formations militaires, renseignement, et services spéciaux possiblement.
Le problème c'est que ce n'est pas lui qui décide s'il y a co-belligérance, mais
la victime de ce soutien, la Russie. Et quand elle le voudra, elle pourra
invoquer ce soutien pour justifier ses propres actes de belligérance sur notre
sol ou ailleurs.
La guerre est une chose trop sérieuse être laissée aux militaires, chacun le sait. Mais elle est plus sérieuse que jamais,
et visiblement on ne peut pas la laisser aux politiciens non plus dans
l'Occident d'aujourd'hui. C'est alors que parfois, ce sont les peuples qui s'en
chargent.
[1] Le rapport du 15 février de la mission spéciale de
surveillance de l'OSCE en Ukraine a enregistré quelque 41 explosions dans les
zones de cessez-le-feu. Ce chiffre est passé à 76 explosions le 16 février, 316
le 17 février, 654 le 18 février, 1413 le 19 février, un total de 2026 les 20
et 21 février et 1484 le 22 février.
[2] "Les États-Unis et l’Ukraine ont l’intention de poursuivre une série de
mesures de fond visant à prévenir une agression extérieure directe et hybride
contre l’Ukraine et à tenir la Russie responsable de cette agression et des
violations du droit international, y compris la saisie et la tentative
d’annexion de la Crimée et le conflit armé dirigé par la Russie dans certaines
parties des régions de Donetsk et de Louhansk en Ukraine, ainsi que son
comportement malveillant continu." Section 2 art 1; voir aussi l'article 4
du Préambule de la Charte.
Jean-Pierre Bensimon
le 13 octobre 2022