11 oct. 2022

Histoire : Comment les élites américaines ont construit la Russie comme ennemie, par Mike Withney

Les néo-conservateurs rayonnent aux Etats-Unis, sans opposition dans les rangs démocrates et en grande part au sein des élites républicaines. Ils ont besoin d'une Russie ennemie qu'il faut abattre pour tenter de pérenniser à tout jamais leur hégémonie unipolaire sur le monde. Mike Whitney explique pourquoi et comment ils parviennent à leurs fins, dans le présent article de 2019, formidablement confirmé par l'actuelle guerre en Ukraine. (NdT)

 

Mike Whitney

"La Russie est une partie inaliénable et organique de la Grande Europe et de la civilisation européenne. Nos citoyens se considèrent comme des Européens. C'est pourquoi la Russie propose de s'orienter vers la création d'un espace économique commun de l'Atlantique à l'océan Pacifique, une communauté désignée par les experts russes comme 'l'Union de l'Europe' qui renforcera le potentiel de la Russie dans son pivot économique vers la 'Nouvelle Asie'." Vladimir Poutine, président de la Fédération de Russie, février 2012.

Les allégations d'"ingérence russe" n'ont de sens que si elles sont replacées dans un contexte géopolitique plus large. Une fois que l'on réalise que Washington met en œuvre une stratégie agressive d'"endiguement" pour encercler militairement la Russie et la Chine afin d'étendre ses tentacules à l'Asie centrale, alors on commence à comprendre que la Russie n'est pas l'auteur des hostilités et de la propagande, mais la victime. Les allégations de piratage informatique des élections par la Russie font partie d'une guerre d'information asymétrique plus vaste à laquelle s'est joint l'ensemble de l'establishment politique de Washington. L'objectif est d'affaiblir méthodiquement un rival émergent tout en renforçant l'hégémonie mondiale des États-Unis.

Essayez d'imaginer un instant que les allégations de piratage informatique ne font pas partie d'un plan sinistre de Vladimir Poutine visant à "semer la discorde et la division" aux États-Unis, mais qu'elles ont été inventées pour créer une menace extérieure qui justifierait une réponse agressive de Washington. C'est de cela qu'il s'agit en réalité, le Russiagate.

Les décideurs politiques américains et leurs alliés au sein de l'armée et des services de renseignement savent que les relations avec la Russie sont appelées à devenir de plus en plus conflictuelles, principalement parce que Washington est déterminé à poursuivre son ambitieux plan de "pivot" vers l'Asie. Cette nouvelle stratégie régionale se concentre sur "le renforcement des alliances bilatérales en matière de sécurité, l'expansion du commerce et des investissements, et la mise en place d'une large présence militaire." En bref, les États-Unis sont déterminés à maintenir leur suprématie mondiale en établissant des avant-postes militaires à travers l'Eurasie, en continuant à resserrer l'étau autour de la Russie et de la Chine, et en renforçant leur position d'acteur dominant dans la région la plus peuplée et la plus prospère du monde. Ce plan a été présenté pour la première fois dans sa forme squelettique par l'architecte du plan de Washington pour gouverner le monde, Zbigniew Brzezinski. Voici comment l'ancien conseiller en sécurité nationale de Jimmy Carter l'a résumé dans son opus magnum de 1997, The Grand Chessboard : La primauté américaine et ses impératifs géostratégiques :

"Pour l'Amérique, le principal prix géopolitique est l'Eurasie... (p.30)..... L'Eurasie est le plus grand continent du monde et est géopolitiquement axial. Une puissance qui domine l'Eurasie contrôlerait deux des trois régions les plus avancées et économiquement productives du monde. .... Environ 75 % de la population mondiale vit en Eurasie, et la plupart des richesses physiques du monde s'y trouvent également, tant dans ses entreprises que sous son sol. L'Eurasie représente 60 % du PNB mondial et environ trois quarts des ressources énergétiques connues de la planète." ("The Grand Chessboard:American Primacy And Its Geostrategic Imperatives", Zbigniew Brzezinski, Basic Books, page 31, 1997)

Quatorze ans après l'écriture de ces mots, l'ancienne secrétaire d'État Hillary Clinton a repris la bannière de l'expansion impériale et a exigé un changement radical de la politique étrangère américaine, qui viserait principalement à accroître l'empreinte militaire de l'Amérique en Asie. C'est Hillary Clinton qui a inventé le terme "pivot" dans un discours qu'elle a prononcé en 2010, intitulé "America's Pacific Century". Voici un extrait de ce discours :

"Alors que la guerre en Irak touche à sa fin et que l'Amérique commence à retirer ses forces d'Afghanistan, les États-Unis se trouvent à un point de pivot. Au cours des dix dernières années, nous avons alloué d'immenses ressources à ces deux théâtres. Au cours des dix prochaines années, nous devrons être intelligents et systématiques sur les choix des endroits où nous investissons du temps et de l'énergie, afin de nous mettre dans la meilleure position possible pour maintenir notre leadership, garantir nos intérêts et faire progresser nos valeurs. L'une des tâches les plus importantes de l'art politique américain au cours de la prochaine décennie sera donc de verrouiller un effort substantiellement accru - diplomatique, économique, stratégique, etc. dans la région Asie-Pacifique...

L'ouverture des marchés asiatiques offre aux États-Unis des possibilités sans précédent en matière d'investissement, de commerce et d'accès aux technologies de pointe...... Les entreprises américaines (doivent) exploiter la vaste base de consommateurs en pleine expansion de l'Asie... La région génère déjà plus de la moitié de la production mondiale et près de la moitié du commerce mondial. Alors que nous nous efforçons d'atteindre l'objectif du président Obama de doubler les exportations d'ici 2015, nous sommes à la recherche d'opportunités pour faire encore plus d'affaires en Asie... et de possibilités d'investissement dans les marchés dynamiques de l'Asie."

("America's Pacific Century", Secrétaire d'État Hillary Clinton, Foreign Policy Magazine, 2011)

La stratégie du pivot n'est pas une resucée insignifiante du "Grand Jeu" du 19ème siècle promue par les fantaisistes des think tanks et les théoriciens de la conspiration. Il s'agit de la principale doctrine de politique étrangère de Washington, une théorie de "rééquilibrage" axée sur l'accroissement de la présence militaire et diplomatique des États-Unis dans toute la masse continentale asiatique. Naturellement, les mouvements de troupes inquiétants de l'OTAN sur le flanc ouest de la Russie et les opérations navales provocantes de Washington en mer de Chine méridionale ont déclenché des signaux d'alarme à Moscou et à Pékin. L'ancien président chinois Hu Jintao a résumé la situation comme suit :

"Les États-Unis ont renforcé leurs déploiements militaires dans la région Asie-Pacifique, consolidé l'alliance militaire américano-japonaise, renforcé la coopération stratégique avec l'Inde, amélioré les relations avec le Vietnam, invectivé le Pakistan, établi un gouvernement pro-américain en Afghanistan, augmenté les ventes d'armes à Taïwan, etc. Ils ont étendu leurs avant-postes et placé des points de pression sur nous depuis l'est, le sud et l'ouest."

Le président russe Vladimir Poutine a également critiqué le comportement erratique de Washington. L'expansion de l'OTAN vers l'est a convaincu Poutine que les États-Unis continueront à être une force perturbatrice sur le continent dans un avenir prévisible. Les deux dirigeants craignent que les provocations incessantes de Washington ne conduisent à un affrontement inattendu qui se terminera par une guerre.

Malgré cela, la classe politique a pleinement ratifié la stratégie du pivot comme une tentative ultime de revenir à l'époque de l'après-guerre, lorsque les centres industriels du monde étaient en ruines et que l'Amérique était sans adversaire. Aujourd'hui, le centre de gravité s'est déplacé de l'ouest vers l'est, ne laissant à Washington que deux options :

- soit permettre aux géants émergents d'Asie de relier leurs trains à grande vitesse et leurs gazoducs à l'Europe, créant ainsi la plus grande zone de libre-échange du monde,

- soit essayer de renverser le jeu en intimidant les alliés et en menaçant les rivaux par des sanctions qui ralentissent la croissance et font chuter les devises, et en armant des proxies à sa main pour alimenter la haine ethnique et fomenter des troubles politiques.

De toute évidence, le choix a déjà été fait. L'Oncle Sam a décidé de se battre jusqu'au bout.

Washington dispose de nombreux moyens pour l'emporter sur ses ennemis, mais aucune de ses stratégies n'a freiné la croissance de ses concurrents à l'Est. La Chine est en chemin pour dépasser les États-Unis en tant que première économie mondiale au cours des deux prochaines décennies, tandis que l'intervention de la Russie en Syrie a fait échouer le plan de Washington visant à renverser Bachar al Assad et à consolider son emprise sur le Moyen-Orient, riche en ressources. Ce plan s'est effondré, obligeant les responsables politiques américains à abandonner la guerre contre le terrorisme et à passer à une "compétition entre grandes puissances." C'est admettre que les États-Unis ne peuvent plus imposer unilatéralement leur volonté partout où ils vont. Des défis à la domination américaine émergent partout, en particulier dans la région où les États-Unis espèrent régner en maître, l'Asie.

C'est pourquoi l'ensemble du secteur de la Sécurité nationale d'état soutient désormais sans réserve l'improbable plan de "pivot." Il s'agit d'une tentative désespérée de préserver l'ordre mondial unipolaire en déclin.

Qu'est-ce que cela signifie en termes pratiques ?

Cela signifie que la Maison Blanche (la stratégie de sécurité nationale), le Pentagone (la stratégie de défense nationale) et la communauté du renseignement (l'évaluation de la menace mondiale) ont élaboré leurs analyses respectives des plus grandes menaces auxquelles les États-Unis sont actuellement confrontés. Naturellement, la Russie figure tout en haut de ces listes. La Russie a fait dérailler la guerre par procuration de Washington en Syrie, elle a fait échouer les tentatives américaines de s'implanter en Asie centrale et elle a renforcé ses liens avec l'UE dans l'espoir de "créer une communauté harmonieuse d'économies de Lisbonne à Vladivostok". (Poutine)

N'oubliez pas que les États-Unis ne se sentent pas menacés par l'éventualité d'une attaque russe, mais par la capacité de la Russie de contrecarrer leurs ambitions impériales grandioses en Asie.

Comme nous l'avons indiqué, La stratégie de sécurité nationale (SSN) est un document statutairement obligatoire produit par la Maison Blanche qui explique comment le président entend mettre en œuvre sa vision de la sécurité nationale. Il n'est pas surprenant que la Russie et la Chine soient au centre de ce document. En voici un extrait :

"La Chine et la Russie défient la puissance, l'influence et les intérêts américains, tentant d'éroder la sécurité et la prospérité américaines. Elles sont déterminées à rendre les économies moins libres et moins équitables, à développer leurs armées, et à contrôler les informations et les données pour réprimer leurs sociétés et étendre leur influence." 

Ni la Russie ni la Chine ne tentent d'éroder "la sécurité et la prospérité américaines." Elles ne font que développer leurs économies et étendre leurs marchés. Si les entreprises américaines réinvestissaient leurs capitaux dans des usines, dans la formation des employés et dans la recherche et le développement au lieu de procéder à des rachats d'actions et de rémunérer excessivement les cadres supérieurs, elles seraient mieux à même de s'imposer au niveau mondial.

En voici d'autres :

"Par des formes modernisées de tactiques subversives, la Russie s'immisce dans les affaires politiques intérieures des pays du monde entier." C'est un exemple typique où "l'hôpital se moque de la charité ".

"Aujourd'hui, des acteurs tels que la Russie utilisent des outils d'information pour tenter de saper la légitimité des démocraties. Les adversaires ciblent les médias, les processus politiques, les réseaux financiers et les données personnelles." (Le mastodonte médiatique occidental est le plus grand porte-voix de la désinformation que le monde ait jamais vu. RT et Spoutnik ne font pas le poids face au gigantesque "Wurlitzer" du MSM qui contrôle les chaînes d'information câblées, les journaux et la plupart des médias imprimés. Le rapport Mueller prouve sans l'ombre d'un doute que les inepties à caractère politique que l'on lit dans les médias ne sont ni fiables ni dignes de confiance).

Le Worldwide Threat Assessment, de l'US Intelligence Community, est encore plus explicite dans ses attaques contre la Russie. Regardez ça :

"Les menaces pour la sécurité nationale des États-Unis vont s'étendre et se diversifier au cours de l'année à venir, en partie sous l'impulsion de la Chine et de la Russie, qui rivalisent le plus intensément avec les États-Unis et leurs alliés et partenaires traditionnels..... Nous estimons que Moscou continuera à poursuivre toute une série d'objectifs pour étendre son influence. Notamment en sapant l'ordre international libéral dirigé par les États-Unis, en divisant les institutions politiques et de sécurité occidentales, en démontrant la capacité de la Russie à reconfigurer les questions mondiales et en renforçant la légitimité intérieure de Poutine.

Nous estimons que Moscou a gagné en confiance sur la base de ses succès dans l'aide au rétablissement du contrôle territorial du régime d'Asad en Syrie,... La Russie cherche à renforcer sa présence militaire et son influence politique en Méditerranée et en mer Rouge,... à servir de médiateur dans les conflits, notamment en s'engageant dans le processus de paix au Moyen-Orient et dans la réconciliation avec l'Afghanistan.....

La Russie continuera à faire pression sur les dirigeants d'Asie centrale pour obtenir leur soutien quand elle prend des initiatives économiques et sécuritaires et la réduction de leur engagement avec Washington... La Russie et la Chine vont aussi probablement intensifier leurs efforts d'influence en Europe au détriment des intérêts américains..." ("The Worldwide Threat Assessment of the US Intelligence Community", USG)

Remarquez que le résumé de l'Intelligence Community (CI) ne suggère pas que la Russie représente une menace militaire imminente pour les États-Unis, mais seulement qu'elle a rétabli l'ordre en Syrie, renforcé ses liens avec la Chine, s'est imposée comme "médiateur impartial" au Moyen-Orient, et a utilisé le marché libre pour améliorer ses relations avec ses partenaires commerciaux et développer son économie. La CI semble trouver à redire parce que la Russie utilise le système créé par les États-Unis, mais  à meilleur escient que ces derniers. C'est tout à fait compréhensible étant donné la détermination de Poutine à se rapprocher de l'Europe et de l'Asie par le biais d'un plan d'intégration économique à l'échelle régionale. Voici ce que dit Poutine :

"Nous devons envisager une coopération plus étendue dans le domaine de l'énergie, allant jusqu'à la formation d'un complexe énergétique européen commun". Le gazoduc Nord Stream sous la mer Baltique et le gazoduc South Stream sous la mer Noire sont des étapes importantes dans cette direction. Ces projets bénéficient du soutien de nombreux gouvernements et impliquent de grandes entreprises énergétiques européennes. Lorsque les gazoducs commenceront à fonctionner à pleine capacité, l'Europe disposera d'un système d'approvisionnement en gaz fiable et flexible qui ne dépendra pas des caprices politiques d'une nation. La sécurité énergétique du continent s'en trouvera renforcée, non seulement dans la forme mais aussi dans le fond. Ceci est particulièrement pertinent à la lumière de la décision de certains États européens de réduire ou de renoncer à l'énergie nucléaire."

Les gazoducs et les trains à grande vitesse sont les artères qui relieront les continents entre eux et renforceront le nouveau super-État UE-Asie. C'est le plus grand cauchemar de Washington, une zone de libre-échange massive et florissante hors de sa portée et non soumise à ses règles. En 2012, Hillary Clinton a reconnu cette nouvelle menace et a promis de faire tout ce qui était en son pouvoir pour la détruire. Regardez cet extrait :

"La secrétaire d'État américaine Hillary Clinton a décrit les efforts visant à promouvoir une plus grande intégration économique en Eurasie comme "une démarche visant à ré-soviétiser la région".".... "Nous savons quel est l'objectif et nous essayons de trouver des moyens efficaces pour le ralentir ou l'empêcher", a-t-elle déclaré lors d'une conférence internationale à Dublin le 6 décembre 2012, Radio Free Europe."

"Le ralentir ou l'empêcher" ?

Pourquoi ? Parce que la croissance et la prospérité de l'UE-Asie feront pression sur les marchés de la dette américaine, les intérêts des entreprises américaines, la dette nationale américaine (qui gonfle) et le dollar américain ? Est-ce la raison pour laquelle Hillary est si déterminée à saboter le plan d'intégration économique de Poutine ?

En effet, c'est bien cela. Washington veut bloquer le progrès et la prospérité à l'Est afin de prolonger la durée de vie d'un État gâteux et en faillite, qui affiche actuellement un déficit de 22.000 milliards de dollars [en 2017], mais continue de faire des chèques sur son compte à découvert.

Mais la Russie ne doit pas être blâmée pour le comportement prodigue de Washington, ce n'est pas la faute de Poutine. Moscou utilise simplement le système du marché libre plus efficacement que les États-Unis.

Considérons maintenant La stratégie de défense nationale (NDS) 2018 du Pentagone, qui reprend bon nombre des mêmes thèmes que les deux autres documents.

"Aujourd'hui, nous sortons d'une période d'atrophie stratégique, conscients que notre avantage militaire compétitif s'est érodé. Nous sommes confrontés à un désordre mondial croissant, caractérisé par le déclin de l'ordre international fondé sur des règles qui existe depuis longtemps - créant un environnement de sécurité plus complexe et plus volatile que tout ce que nous avons connu de mémoire récente. La concurrence stratégique interétatique, et non le terrorisme, est désormais la principale préoccupation de la sécurité nationale des États-Unis."

Naturellement, l'"environnement sécuritaire" est plus difficile à stabiliser lorsque le "changement de régime" est la pierre angulaire de la politique étrangère d'un pays. Bien entendu, la NDS passe sous silence cette triste réalité. En voici d'autres :

"La Russie a violé les frontières de nations voisines et cherche à obtenir un droit de veto sur les décisions économiques, diplomatiques et de sécurité de ses voisins....." Balivernes. La Russie a été une force de stabilité en Syrie et en Ukraine. Si Obama avait fait ce qu'il voulait, la Syrie aurait fini comme l'Irak, en un désert infernal occupé par des mercenaires étrangers. Est-ce ainsi que le Pentagone mesure le succès ? Voici plus :

"La Chine et la Russie veulent façonner un monde conforme à leur modèle autoritaire...

"La Chine et la Russie sapent désormais l'ordre international de l'intérieur du système........

"La Chine et la Russie sont les principales priorités du ministère... en raison de l'ampleur des menaces qu'elles représentent pour la sécurité des États-Unis." (Stratégie de défense nationale des États-Unis d'Amérique)

Vous voyez le tableau ? La Chine et la Russie, la Chine et la Russie, la Chine et la Russie. Mauvais, mauvais, mauvais.

Pourquoi ? Parce qu'ils mettent en œuvre avec succès leur propre modèle de développement qui n'est PAS programmé pour favoriser les institutions financières et les sociétés américaines. C'est tout le problème en un mot. La seule raison pour laquelle la Russie et la Chine sont une menace pour le "système fondé sur des règles", c'est que Washington insiste pour être le seul à établir les règles. Voila pourquoi les dirigeants étrangers ne rentrent pas dans le rang, ce n'est pas un système équitable.

Ces évaluations représentent l'opinion dominante des décideurs politiques de haut niveau dans tout le spectre politique. (La Maison Blanche, le Pentagone et la communauté du renseignement) Le gouvernement américain est unanime dans son jévaluation qu'une approche plus dure et plus combative est nécessaire pour traiter avec la Russie et la Chine. Les élites de la politique étrangère veulent mettre la nation sur la voie d'une confrontation plus dure, avec plus de conflit et plus de guerre. Dans le même temps, aucun de ces trois documents ne suggère que la Russie a l'intention de lancer une attaque contre les États-Unis. La plus grande inquiétude est l'effet que les concurrents émergents auront sur le plan d'expansion militaire et économique de Washington, la menace que la Russie et la Chine représentent pour l'emprise amoindrie de l'Amérique sur le pouvoir mondial. C'est cette crainte qui anime la politique étrangère américaine.

Et c'est dans ce contexte plus large que nous devons inscrire l'enquête du "Russiagate" sur la Russie.

La raison pour laquelle on a permis à l'invention d'un piratage russe des élections de s'épanouir et de se propager malgré le manque évident de preuves, c'est que vilipender la Russie correspond parfaitement aux intérêts géopolitiques des élites du gouvernement. Le gouvernement américain travaille désormais en collaboration avec les médias pour influencer les attitudes du public sur les questions importantes pour le puissant establishment de la politique étrangère. L'objectif déclaré de ces opérations psychologiques (PSY.OP.) est d'utiliser sélectivement les informations "pour influencer l'opinion, ses émotions, ses motivations, ses raisonnements et, en fin de compte, le comportement global d'organisations, de groupes et d'individus".

Le gouvernement américain considère désormais le cerveau des Américains ordinaires comme une cible légitime de ses campagnes d'influence. Il définit le champ des attitudes et des perceptions, comme "le domaine cognitif de l'espace de bataille" qu'il doit exploiter afin d'obtenir le soutien de l'opinion pour ses guerres et interventions largement impopulaires. L'implacable récit du Russiagate (qui a été transmis pour la première fois au FBI par l'architecte en chef de la guerre en Syrie, l'ancien directeur de la CIA John Brennan) représente la composante "désinformation" d'une campagne plus large contre la Russie. Les élites de la politique étrangère sont déterminées à persuader le peuple américain que la Russie constitue une menace matérielle pour sa sécurité, qu'il faut contrer par des sanctions plus sévères, davantage de coups de sabre et, finalement, la guerre.

Titre original : How Brzezinski's Chessboard Degenerated Into Brennan's Russophobia

Auteur: Mike Whitney vit dans l'État de Washington. Il a contribué à Hopeless : Barack Obama and the Politics of Illusion (AK Press). Hopeless est également disponible en édition Kindle. On peut joindre Mike Whitney à l'adresse suivante : fergiewhitney@msn.com.

Date de première publication : 03 avril 2019 in Information Clearing House

Traduction :  Dialexis.org avec Deepl Pro