L'Élysée a annoncé sa décision de transférer à Kiev des chars de conception ancienne, sans indiquer le nombre ni le calendrier.
Ces chars, montés sur roue et non chenillés, ont de nombreux
défauts:
- ils ne pourront pas être utilisés dans les périodes de "raspoutitsa", les moments des pluies d'automne et de la fonte de neige au printemps où la boue est omni présente;
- leur blindage léger les rend vulnérables aux tirs d'armes de calibre relativement petit (au-dessus de 14 mm);
- leur résistance aux conditions de la guerre de haute intensité en milieu glacial est problématique;
- enfin leurs munitions utilisent le calibre 105 mm inconnu sur le théâtre ukrainien déjà encombré d'armes hétérogènes.
Cependant ces chars peuvent être tactiquement utiles dans la
guerre menée actuellement par le binôme américano-euro-kiévien. Hors
raspoutitsa, ils sont mobiles et bien adaptés aux missions de reconnaissance et
d'appui offensif d'unité de petite ou moyenne dimension, domaine tactiquement apprécié par l'armée de Kiev .
Pourquoi l'Élysée a-t-il abondamment communiqué sur cette livraison ?
D'un coté, c'est le premier
envoi de chars effectué par un pays occidental dans ce conflit. (Hors Europe centrale, car les Polonais
et les Tchèques en ont déjà fourni à Kiev pour obtenir en échange des matériels
modernes des États-Unis). L'intention de Macron serait d'inciter les États-Unis
et les Allemands à briser le tabou et à procéder eux aussi à des livraisons de
chars, en annulant l'argument allemand "personne ne l'a encore fait" et l'argument américain de non belligérance.
Par ailleurs, par cette initiative, Macron est en cohérence avec sa déclaration
ultra belliciste et belligène du Nouvel an où il affirmait soutenir Kiev jusqu'à la
victoire, par tous moyens, pour une durée indéterminée.
Ce qui fait question, c'est qu'aucune victoire ne se dessine
pour Kiev, chars ou pas chars. Le chef d'État-major des armées américaines, le
général Mark Milley a déclaré le mois dernier qu'il doutait de la capacité de
Kiev de reprendre les territoires "occupés" par la Russie dans tous les cas de figure,
incitant vigoureusement Zelensky à plutôt négocier. Ce qui n'a pas l'heur de
convenir au président français : il fait la sourde oreille car cette guerre est une occasion unique de restaurer son prestige mis à mal par ses gesticulations ridicules lors de la coupe du monde et son incapacité à redresser le pays.
Si la "victoire" macronienne est un mythe, les pertes de vies d'une génération de jeunes ukrainiens ne sont pas une rêverie mais une réalité violente. Mme von Der Leyen a cité le chiffre de 100.000 morts ukrainiens, auxquels il faut ajouter environ 300.000 blessés.
Les
cadavres d'Ukrainiens s''accumulent, une génération expire, et nul ne l'ignore à l'Élysée ni dans les administrations et les état-major militaires français. Or encourager la poursuite et l'extension du
conflit en livrant des armes offensives rêvées par les têtes brûlées de Kiev,
c'est en actes la doctrine de la guerre jusqu'au dernier ukrainien.
L'Élysée n'en a cure, mais mettre en œuvre une doctrine qui
sème délibérément et gratuitement la mort, ravale ses promoteurs et ses
décisionnaires au rang de criminels de guerre.
Le justice internationale aura décidément beaucoup de travail à l'issue du conflit et à l'expiration des mandats protecteurs des commettants coupables.
Jean-Pierre Bensimon
le 5 janvier 2023