24 févr. 2023

Le plan de paix chinois, un bref commentaire, par Jean-Pierre Bensimon

Étrangement la presse quotidienne française ne propose pas à ses lecteurs et auditeurs l’intégralité des « positions chinoises sur le règlement politique de la crise ukrainienne ». 

On trouvera ci-dessous une traduction du document original où les gras sont ajoutés pour faciliter la lecture.

Ce plan qui a été conçu pour laisser ouvertes toutes les portes à la négociation, comporte aux point 1 et 2 l’idée du caractère complexe de la notion de souveraineté. Si la souveraineté est un attribut de tout État, grand ou petit, elle connait une limitation majeure prévue par le droit international : la sécurité d’un pays ne doit pas être obtenue au détriment de la sécurité d’autres pays. Par exemple, en 1962, quand Nikita Khrouchtchev  a implanté à Cuba, des fusées nucléaires à trois cent kilomètres des côtes américaines, il semblait augmenter la sécurité de Cuba mais il mettait en grand danger celle des États-Unis. Ce qui était un moyen sûr de déclencher une guerre qui aurait pulvérisé la souveraineté du pays censément mieux protégé.

De même quand les États-Unis ont réaffirmé leur intention d’intégrer l’Ukraine dans l’OTAN pendant qu’ils garnissaient la Roumanie et la Pologne des systèmes de missiles Aegis et MK 41, compatibles avec les Tomawak nucléaires, à quelques minutes de Moscou, ils protégeaient censément l’Europe centrale et l’Ukraine. Mais ils induisaient en fait l’actuelle  guerre de défense existentielle de la Russie qui est en train de disloquer l’Ukraine. La souveraineté de l’Ukraine n’a pas été protégée mais torpillée par cette initiative américaine.

C’est pourquoi, au-delà des modifications territoriales, tout plan de paix devra rechercher un accord sur la sécurité européenne que Joe Biden a injurieusement refusé à Vladimir Poutine depuis son accession au pouvoir le 20 janvier 2021.

Le second point fort de la proposition chinoise est la suppression des sanctions unilatérales non agrées par l’ONU. Sous la houlette de Joe Biden et de ses partisans dans l’Union européenne, un système de sanctions maximales, sans précédent dans l'histoire, a été imposé à la Russie. Outre son échec, puisque la Russie ne s’est pas effondrée comme le prévoyait Bruno Lemaire, ces sanctions se sont retournées en premier lieu contre les Européens. Et en tant qu’Européens témoins de l’appauvrissement, de la précarisation et de l’assombrissement de l’avenir qu’elles ont provoqué chez nous, en France en particulier, nous souhaitons, nous exigeons leur suspension immédiate.

Enfin la proposition chinoise demande l’abandon de la mentalité de la guerre froide. Depuis près de deux ans une atmosphère pestilentielle règne dans le monde, envahi de campagnes médiatiques d’intoxication inédites dans l’histoire par leur virulence, leur intensité  et leur durée. 

La guerre commence toujours par des mots. Quelques semaines après sa prise de fonctions Joe Biden avait publiquement traité Poutine d’assassin. Suivirent, et se poursuit tous les jours, une surenchère de qualificatifs (autocrate, boucher, barbare sanguinaire, mourant, etc.) qui excédaient même la rhétorique médiatique de la guerre froide. Tout dirigeant, toute coalition, qui envisage la paix doit commencer par respecter son adversaire et induire un climat favorable à une solution. Les tenants de la « victoire » de l’Ukraine sèment l'injure et la guerre à chacun de leur pas.

Les autres points soulevés par la proposition chinoise traitent les multiples limites qui doivent être posées (armes nucléaires, bombardement des centrale nucléaires, prisonniers, etc). et les questions qu’il faudra résoudre (reconstruction, crise humanitaire, commerce des céréales).

Pour l’heure, la proposition chinoise semble être ignorée par Washington et l’Union européenne. Et les média la mentionnent en se gardant bien d’en divulguer le contenu.

C’est que les uns et les autres semblent trop occupés à battre plus que jamais les tambours de la guerre, et noyer l’Ukraine de slogans martiaux et d’armes lourdes de plus en plus létales.

Jean-Pierre Bensimon 

Le 24 février 2023

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Position de la Chine sur le règlement politique de la crise ukrainienne

China’s Position on the Political Settlement of the Ukraine Crisis

Ministry of Foreign Affairs of the People’s Republic of China! 

2023-02-24 09:00

https://www.fmprc.gov.cn/mfa_eng/zxxx_662805/202302/t20230224_11030713.html

1. Respecter la souveraineté de tous les pays. Le droit international universellement reconnu, y compris les buts et principes de la Charte des Nations Unies, doit être strictement observé. La souveraineté, l'indépendance et l'intégrité territoriale de tous les pays doivent être effectivement défendues. Tous les pays, grands ou petits, forts ou faibles, riches ou pauvres, sont des membres égaux de la communauté internationale. Toutes les parties doivent conjointement faire respecter les normes fondamentales régissant les relations internationales et défendre l'équité et la justice internationales. L'application égale et uniforme du droit international doit être encouragée, tandis que les doubles standards doivent être rejetés. 

 

2. Abandonner la mentalité de la guerre froide. La sécurité d'un pays ne doit pas être recherchée au détriment des autres. La sécurité d'une région ne doit pas être obtenue par le renforcement ou l'expansion de blocs militaires. Les intérêts et les préoccupations légitimes de tous les pays en matière de sécurité doivent être pris au sérieux et traités correctement. Il n'existe pas de solution simple à une question complexe. Toutes les parties devraient, en suivant la vision d'une sécurité commune, globale, coopérative et durable et en gardant à l'esprit la paix et la stabilité à long terme du monde, contribuer à forger une architecture de sécurité européenne équilibrée, efficace et durable. Toutes les parties devraient s'opposer à la recherche de leur propre sécurité au détriment de celle des autres, empêcher la confrontation entre blocs et œuvrer ensemble pour la paix et la stabilité sur le continent eurasien.

 

3. Cesser les hostilités. Les conflits et la guerre ne profitent à personne. Toutes les parties doivent rester rationnelles et faire preuve de retenue, éviter d'attiser les flammes et d'aggraver les tensions, et empêcher la crise de se détériorer davantage, voire d'échapper à tout contrôle. Toutes les parties doivent aider la Russie et l'Ukraine à travailler dans la même direction et à reprendre le dialogue direct le plus rapidement possible, afin de désamorcer progressivement la situation et de parvenir finalement à un cessez-le-feu global. 

 

4. Reprendre les pourparlers de paix. Le dialogue et la négociation sont la seule solution viable à la crise ukrainienne. Tous les efforts en faveur d'un règlement pacifique de la crise doivent être encouragés et soutenus. La communauté internationale doit rester attachée à la bonne approche consistant à promouvoir les pourparlers de paix, aider les parties au conflit à ouvrir la porte à un règlement politique dès que possible, et créer les conditions et les plateformes nécessaires à la reprise des négociations. La Chine continuera à jouer un rôle constructif à cet égard. 

 

5. Résoudre la crise humanitaire. Toutes les mesures susceptibles d'atténuer la crise humanitaire doivent être encouragées et soutenues. Les opérations humanitaires doivent respecter les principes de neutralité et d'impartialité, et les questions humanitaires ne doivent pas être politisées. La sécurité des civils doit être protégée efficacement et des couloirs humanitaires doivent être mis en place pour l'évacuation des civils des zones de conflit. Des efforts sont nécessaires pour accroître l'aide humanitaire dans les zones concernées, améliorer les conditions humanitaires et assurer un accès humanitaire rapide, sûr et sans entrave, afin d'éviter une crise humanitaire à plus grande échelle. Il convient d'aider les Nations unies à jouer un rôle de coordination dans l'acheminement de l'aide humanitaire vers les zones de conflit.

 

6. Protection des civils et des prisonniers de guerre (POW). Les parties au conflit doivent se conformer strictement au droit humanitaire international, éviter d'attaquer les civils ou les installations civiles, protéger les femmes, les enfants et les autres victimes du conflit, et respecter les droits fondamentaux des prisonniers de guerre. La Chine soutient l'échange de prisonniers de guerre entre la Russie et l'Ukraine, et appelle toutes les parties à créer des conditions plus favorables à cette fin.

 

7. Assurer la sécurité des centrales nucléaires. La Chine s'oppose aux attaques armées contre les centrales nucléaires ou d'autres installations nucléaires pacifiques, et appelle toutes les parties à se conformer au droit international, notamment à la Convention sur la sûreté nucléaire (CSN), et à éviter résolument les accidents nucléaires d'origine humaine. La Chine soutient l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) qui joue un rôle constructif dans la promotion de la sûreté et de la sécurité des installations nucléaires pacifiques.

 

8. Réduire les risques stratégiques. Les armes nucléaires ne doivent pas être utilisées et les guerres nucléaires ne doivent pas être menées. La menace ou l'utilisation d'armes nucléaires doit être combattue. La prolifération nucléaire doit être empêchée et la crise nucléaire évitée. La Chine s'oppose à la recherche, au développement et à l'utilisation d'armes chimiques et biologiques par tout pays, quelles que soient les circonstances.

 

9. Faciliter les exportations de céréales. Toutes les parties doivent mettre en œuvre l'initiative sur les céréales de la mer Noire, signée par la Russie, la Turquie, l'Ukraine et les Nations unies, de manière complète et efficace, de façon équilibrée, et aider les Nations unies à jouer un rôle important à cet égard. L'initiative de coopération sur la sécurité alimentaire mondiale proposée par la Chine offre une solution réalisable à la crise alimentaire mondiale.

 

10. Mettre fin aux sanctions unilatérales. Les sanctions unilatérales et la pression maximale ne peuvent pas résoudre la question ; elles ne font que créer de nouveaux problèmes. La Chine s'oppose aux sanctions unilatérales non autorisées par le Conseil de sécurité des Nations unies. Les pays concernés devraient cesser d'abuser des sanctions unilatérales et de la "juridiction du bras long" contre d'autres pays, afin de faire leur part dans la désescalade de la crise ukrainienne et de créer les conditions pour que les pays en développement puissent développer leurs économies et améliorer la vie de leurs populations.

 

11. Maintenir la stabilité des chaînes industrielles et d'approvisionnement. Toutes les parties devraient sérieusement maintenir le système économique mondial existant et s'opposer à l'utilisation de l'économie mondiale comme un outil ou une arme à des fins politiques. Des efforts conjoints sont nécessaires pour atténuer les retombées de la crise et empêcher qu'elle ne perturbe la coopération internationale dans les domaines de l'énergie, de la finance, du commerce alimentaire et des transports, et ne compromette la reprise économique mondiale.

 

12. Promouvoir la reconstruction post-conflit. La communauté internationale doit prendre des mesures pour soutenir la reconstruction post-conflit dans les zones de conflit. La Chine est prête à fournir une assistance et à jouer un rôle constructif dans cette entreprise.