Du Figaro à LCI en passant par le JDD et l'Express, la propagande
anti-russe de l’avant-garde des média mainstream franchit de nombreuses limites
qu’elle se fixe généralement à elle-même. Les mensonges jusqu’à un certain
point, les falsifications jusqu’à un certain point, les fake news jusqu’à un
certain point.
Désormais, seul l’objectif compte, et c'est provoquer la peur, la
panique, l’horreur, c'est propulser la haine raciste des Russes vers des sommets
inimaginables, même au plus fort de la guerre froide. Il suffit de fréquenter un
peu ces titres pour en avoir la démonstration, à moins d’avoir été soi-même
marabouté par les nouveaux sorciers de la plume et de l’image.
Les concours de venin dans les colonnes des journaux, les
tables rondes, les interviews, sont sommairement conçus pour interdire toute
expression d’un doute, tout débat, toute réflexion, tout argumentaire, toute
logique, en un mot tout usage du cerveau, de la raison. Dans ce désert de la
pensée où sont confinés lecteurs, auditeurs, audience en général, seules règnent
l’indignation, l’accusation, et l’émotion jusqu’à l’hystérie. Vous pensez paix,
vous employez ce mot, vous pensez négociation ? Vous êtes accusé d'être un nouveau Neville Chamberlain, de traitrise envers l’Ukraine, de suppôt de la
barbarie, en un mot, le pire de tous, de poutinisme.
Pour penser ce phénomène de dystopie médiatique,
l’argumentation est inopérante. Il n’y a pas d’autre issue que prendre de la
distance et se demander quelle signification, quelle exigence, quel message
véhicule cette explosion permanente de faux et de haine raciste, sur une année déjà, mais
plus vive que jamais ces derniers jours.
- Le premier message c’est que les média mainstream font preuve d’un mépris incroyable pour leurs usagers. On les trompe avec des énormités, on paralyse leur réflexion, on leur ôte la capacité de distance critique par la répétition incessante de faux dûment choisis pour provoquer les émotions les plus brutales jusqu’à l’hystérie. Jamais bourrage de crâne n’avait pris cette dimension, jamais son niveau n’avait été aussi bas, jamais on ne s’était permis autant de journalisme de falsification.
- Le second message dissimule des intentions inavouables. L’infecte guerre d’Ukraine déclenchée par les États-Unis avec pour cible aussi bien la Russie que l’Europe, est de plus en plus mal tolérée dans le Vieux Continent. Au moment où les néocons yankees pilotent une escalade périlleuse et sanglante pour les mois à venir, il faut absolument anesthésier l’opinion, lui interdire par tous moyens la faculté de distinguer la véritable source de ses maux très graves, comme l’inflation, l’appauvrissement, la précarisation. Ce ne sont que les conséquences de la guerre et des sanctions prises sur ordre de Washington avec l’approbation jubilatoire de ses réseaux au sein des institutions européennes, des États jusqu’à leur sommet, et bien sûr des média de toute nature. Aveugler et paralyser l’opinion est pour les officiers et fantassins de l’information téléguidée, la seule façon de préserver de l’effritement la coalition pro-guerre, anti-russe et anti-Europe de Biden. Washington en a absolument besoin pour poursuivre sa mission chimérique et sanglante d’épuisement et de démantèlement de la Russie et de vassalisation aggravée de l'Europe.
- Le troisième message réside dans l’incroyable alignement des rédactions sur le détail des exigences de la politique extérieure des néoconservateurs aux manettes à la Maison Blanche. Non seulement leurs contributions sont au diapason de la voix américaine mais ells se démarquent parfois violemment des balancements du « en même temps » d’Emmanuel Macron. Quand ce dernier parle de garanties de sécurité à accorder aux Russes ou quand il note que tout se terminera par des négociations, les plumes orthodoxes vont le moquer et le reprendre vertement. Cela signifie que les média mainstream français ont leur premier maitre à Washington et seulement le second à l’Élysée. La vassalisation de la France, c’est le pouvoir US dominant au sein des rédactions au détriment de l’État français, lui-même gangréné par les réseaux américains à l’instar des institutions européennes. Qui saurait dire quelle est la nationalité de Mme Van der Leyen ?
- Le dernier message exprime tout simplement la hantise occidentale du déclin de l’ordre unipolaire américain dont l’Europe est aujourd’hui la première victime. Si les États-Unis ont remporté dans cette guerre quelques victoires tactiques, en premier lieu la prolongation du conflit, ces « victoires » s’inscrivent dans un tableau stratégique désastreux. Joe Biden sera pour l’Histoire un grand président-désastre de son pays. L’ordre unipolaire américain, avec ses sanctions, sa volonté de réduire ses adversaires au statut de paria, son racisme, a été exposé en pleine lumière par cette guerre imposée, avec sa brutalité et son goût pour le sang. Désormais le monde non occidental, soit les 2/3 de l’humanité au bas mot, sait à quoi s’en tenir avec les « démocraties libérales » autoproclamées. Il met en place un contre-ordre, avec des modes de paiement indépendants du dollar et de l’Euro, des systèmes de compensation indépendant de SWIFT, des marchés à terme de produits primaires autonomes de ceux de Londres. Ces systèmes de substitution sont les prémices d’un nouvel ordre international qui contournera la domination vénale et insatiable du monde unipolaire sur lequel trône aujourd’hui la Maison Blanche de Biden. On voit pointer des esquisses de relations coopératives susceptibles de concurrencer les jeux à somme nulle de l’ère coloniale.
Noyer l’Ukraine dans des flots d’armements et de sang, mener
des campagnes d’intoxication monstrueuses, décréter l’escalade militaire au
risque de la guerre nucléaire, qu’est-ce d’autre que le chant du cygne des
idéologues néocons d’Outre-Atlantique.
Jean-Pierre Bensimon
le 19 février 2023